Il pleut encore et toujours. Nous passons par Puerto Aisen et Puerto Chacabuco. Nous aimerions trouver des pêcheurs pour négocier une balade aux glaciers. Nous n'en trouvons pas et allons voir du côté des offices de tourisme mais les prix sont prohibitifs: plusieurs centaines d'euros pour nous quatre. Ce sont des sorties à la journée et ça fait un peu cher le glacier. On passe une nuit à Coihaique dans la « réserva nacional Coihaique » juste au nord de la ville. C'est beau mais il caille et il pleut! On ne sort même pas de la voiture pour le visiter. On se contente d'emprunter les chemins aménagés et d'observer...à travers les vitres! Coihaique est la plus grande ville de la route australe. Nous y faisons le plein de nourriture et retirons de l'argent pour être tranquilles...
Nous prenons une jeune femme en stop. C'est une grande voyageuse de Valparaiso vivant quelques mois de l'année à Puerto Tranquilo, sur la route australe. Elle y travaille sur un projet d'écotourisme. En attendant, il fait toujours aussi moche et le comble, c'est qu'on a même de la neige sur la route! Les filles sont contentes car elles se lancent dans la construction d'un bonhomme. Les parents rient jaune car ça commence à bien faire ce temps de chiotte en plein été!
Pour nous consoler, les paysages sont effectivement superbes. Des cascades parsèment la route et sinuent le long des montagnes. On passe par une forêt d'arbres morts appelée « la forêt enchantée ». On imagine très bien un troll sortir derrière un arbre... Toute la vallée a été inondée par un glacier qui s'est brisé. Les arbres sont morts mais restent debouts. Ils n'ont pas été affectés que par les glaciers d'ailleurs... Dans les années 40/50, pour revendiquer des territoires face à l'Argentine, Le Chili s'est lancé dans une politique d'occupation des terres. L'état a octroyé des terrains à toute personne s'installant dans la région australe. Les pionniers sont arrivés à pieds, à cheval, traversant les rivières comme ils pouvaient et ont commencé à construire des cabanes puis des villages... On a vu des photos de l'époque et c'est réellement impressionnant de voir ces gens débarquer dans cette nature inhospitalière pour tenter de construire une vie à des centaines de km de tout... Pour exploiter les terres et également marquer leur présence, ils ont déchiffré et n'y sont pas allés de main morte. Ils avaient besoin de terrains pour l'élevage. Des hectares de forêts natives ont été brulées. Les incendies n'étaient pas contrôlés et se sont propagés jusqu'aux sommets des montagnes. On dit que pendant dix ans, il y a eu des incendies sans discontinuer... Aujourd'hui, les traces de ce carnage sont omniprésentes: sur les montagnes, même de loin, on peut voir des troncs debouts comme des allumettes. C'est vraiment impressionnant. Je suis à la fois emplie de respect pour toutes ces familles ayant tout abandonné pour construire une nouvelle vie dans ces lieux sauvages et difficiles. Mais comment excuser ces ravages provoqués sur la nature? On me dira que l'écologie n'existait pas à cette époque. Le respect de la nature et des vieux arbres est un comportement vieux comme le monde. Comment ont-ils pu brûler toutes ces belles forêts -même dans les endroits où il était évident qu'ils ne pourraient rien faire: ni élevage ni agriculture- sans penser à leurs enfants qui ne pourront plus en profiter... Sans parler du traitement réservé aux indiens... C'est simple, dans cette région, encore plus qu'ailleurs, on n'en parle pas.
Nous arrivons à Puerto Rio Tranquilo. C'est un petit village charmant au bord du lac « General Carrera ». Le Chili et l'Argentine partagent ses berges. Il est le deuxième plus grand d'Amérique du Sud après le lac Titicaca. Du côté argentin, ils l'appellent « Buenos Aires ». C'est magnifique. Il est entouré de montagnes aux sommets enneigés. Apparemment, ce froid et cette neige en été, cela n'est pas courant. On est bien content de le savoir! Nous abandonnons notre auto stoppeuse. On espérait bien une invitation mais elle n'est pas venue. Il ne pleut plus mais tout est gadouilleux.
Le lendemain, nous prenons un bateau pour visiter des grottes de marbre sur les berges du lac. Notre guide n'est pas très bavard mais le spectacle est impressionnant : le marbre a été érodé par l'eau et forme des cavités plus ou moins profondes dans lesquelles le bateau peut pénétrer. La couleur turquoise du lac et celles du marbre forment un spectacle surnaturel. Cet endroit est classé monument national et le marbre n'y est pas exploité. Il doit y avoir suffisamment de ressources ailleurs pour préserver cet endroit sauvage. Le retour est un peu mouvementé car nous avons un vent violent de face et nous prenons toutes les gerbes dans la figure. Les filles sont mortes de rire même si Leia est transie de froid.
Nous décidons de nous éloigner quelque peu pour nous diriger vers un glacier. La route sinue entre des falaises de granit et des rivières ou des lacs. Nous apercevons un glacier de loin. L'eau ruisselle de partout et forme parfois des cascades impressionnantes dévalant les coteaux des montagnes environnantes. Quand elle ruisselle sur du granit cela donne vraiment envie de se doucher à même la route mais nous n'osons pas. Le soir, il se remet à pleuvoir mais nous gardons notre bonne humeur et nous mangeons dehors, près d'une cabane abandonnée sous une bâche de fortune. Rien d'autre à faire que de regarder un film avec les filles, tous les 4 serrés à l'arrière. Elles adorent ces moments là. Evidemment!
Le soleil est de retour le lendemain et nous pouvons d'autant mieux apprécier le paysage. Les lacs de glaciers ont des couleurs vraiment spéciales qui changent énormément selon l'intensité lumineuse et les paysages varient du tout au tout. Nous reprenons la route australe. Il n'y a vraiment pas beaucoup de gens qui circulent et les paysages sont saisissants. Les lupins nous accompagnent depuis le début et nous voyons également des petits rosiers sauvages ainsi que des digitales. Nous trouvons un endroit tranquille au bord du lac et, alors que nous sommes en train de préparer le repas, nous voyons arriver la famille Baudchon dans leur camping car. Hallucinant de les retrouver ici! Nous sommes bien contents de les revoir. Nous avions passé une petite semaine avec eux à Valdès et les enfants, tout comme nous, en avions gardé un très bon souvenir. Autant dire que tout le monde est à la fête: les enfants se retrouvent et se racontent les dernières découvertes, tout comme les adultes. Nous décidons de passer le nouvel an ensemble. Les enfants jouent aux aventuriers en se taillant des objets en bois. Les petits espionnent les grands qui se vengent très bien... Pendant que les adultes discutent tranquillement. Nous avons de la chance: il fait beau. Il y a même du soleil! Nous trouvons du saumon sauvage ainsi que quelques fruits et légumes à Puerto Guadal. Nous y dormons une nuit dans une forêt de lupin. Le lendemain, nous revenons à notre campement de départ et nous nous préparons un petit festin pour le réveillon. Le saumon grillé avec de l'huile d'argan, du citron et du persil est délicieux et tout le monde se régale. Les patates cuites au feu de bois avec de la crème fraiche ne sont pas mal non plus... Nous apprécions de discuter autour du feu jusque tard dans la nuit. Nous n'avons pas froid et puis, nous sommes le premier janvier, autour d'un feu de bois, au bord d'un lac magnifique avec des amis, que dire de plus? Bonne année à tous!
Décembre 2009 : Jour de l'an austral |
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